Giwargis (ou Georges), surnommé « l’évêque des Arabes », est un érudit syriaque du VIIe - VIIIe siècle et un haut dignitaire religieux de l’Église jacobite (syriaque orthodoxe)
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. Il vécut dans le contexte du début de l’empire islamique (dynastie omeyyade) après la conquête de la Syrie et de la Mésopotamie, tout en appartenant à la tradition chrétienne orientale.
Sa langue maternelle est le syriaque, mais il apprit également le grec durant ses études monastiques, et sans doute l’arabe étant donné son ministère auprès de tribus arabophones
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. Reconnu comme un polymathe de son temps, il a contribué à la transmission du savoir antique et aux échanges culturels entre les mondes syriaque, grec et arabe, notamment par ses travaux de traduction et ses écrits théologiques et scientifiques
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Contexte historique et formation
Né vers 640 dans la région d’Antioche, Giwargis grandit dans un Proche-Orient en transition, où l’autorité byzantine cède la place à l’Empire islamique naissant. Issu de la communauté syriaque orthodoxe, il reçoit une formation intellectuelle prestigieuse. Dans sa jeunesse, il étudie au célèbre monastère de Kennesrin (Qinnesrin) sur l’Euphrate, réputé pour l’enseignement des sciences grecques. Il y est l’élève du savant Sévère Sebôkht – éminent astronome et mathématicien – et a pour condisciple le futur érudit Jacques d’Édesse
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. Par la suite, Giwargis se forme également auprès d’Athanase de Balad (le futur patriarche Athanase II d’Antioche), qui deviendra son mentor
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. Grâce à cet environnement monastique bilingue, il acquiert une vaste culture englobant la philosophie grecque, l’astronomie, la théologie et l’histoire
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. Ce bagage intellectuel exceptionnel prépare Giwargis à jouer un rôle de premier plan dans la vie religieuse et savante de son époque.
Rôle d’évêque et personnalité religieuse
Devenu moine puis prêtre, Giwargis est choisi pour encadrer spirituellement les tribus arabes chrétiennes ralliées à l’Église syriaque orthodoxe. Le 21 novembre 686, il est consacré évêque des tribus arabes (notamment les Tay, Uqayl et Tunukh) par le patriarche Athanase II, réalisant le vœu de ce dernier
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. Son diocèse, communément appelé « diocèse des Arabes », a pour siège la ville d’Aqula – nom syriaque de al-Kufa en Irak – où l’évêque réside dans un monastère proche de la ville
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. Ces tribus étant bilingues (syriaque et arabe), Giwargis doit certainement prêcher et administrer en tenant compte des deux langues et cultures
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. Il assure pendant plus de trois décennies la charge d’évêque des Arabes, gouvernant ce diocèse jusqu’à sa mort en février 724
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. À ce poste, il s’illustre par son zèle pastoral et son érudition, au point d’être cité parmi les plus grands savants de l’Église syriaque de son temps, aux côtés de Jacques d’Édesse et d’Athanase de Balad
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. Son influence religieuse fut telle que les Maronites le célébrèrent plus tard comme saint (fête de Saint-Georges, 23 avril)
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, bien que son culte ne soit pas attesté dans l’Église syriaque orthodoxe.
Œuvres et traductions majeures
Les écrits de Giwargis témoignent de l’ampleur de ses contributions intellectuelles, tant scientifiques que culturelles. Parmi ses œuvres principales figurent :
Traduction commentée de l’Organon d’Aristote – Giwargis a supervisé une version en syriaque des traités logiques d’Aristote (Catégories, De l’Interprétation, Analytica priora…), chaque livre étant précédé d’une introduction originale et suivi d’un commentaire détaillé
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. Bien qu’il admette dans sa correspondance ne pas maîtriser le grec, il s’est appuyé sur des traductions antérieures pour peaufiner ce travail. L’orientaliste Ernest Renan a salué ce commentaire de l’Organon comme l’un des plus importants et précis en langue syriaque
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, témoignant de la qualité de l’exégèse philosophique de Giwargis. Cette entreprise a joué un rôle crucial en préservant la logique aristotélicienne dans le monde syriaque, étape indispensable avant sa transmission aux savants arabo-musulmans.
Complément à l’Hexaéméron – Après la mort de son ami Jacques d’Édesse en 708, Giwargis achève le septième et dernier livre de l’Hexaéméron de ce dernier
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. L’Hexaéméron est un traité exégétique sur les « six jours » de la Création biblique. En rédigeant le chapitre manquant consacré à la création de l’Homme, Giwargis a non seulement honoré la mémoire de Jacques, mais aussi enrichi la littérature syriaque d’un texte théologique et cosmologique de premier plan
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Commentaires liturgiques et scholies patristiques – Profondément impliqué dans la vie de l’Église, Giwargis a composé un commentaire sur les principaux sacrements chrétiens (le baptême, le saint chrême et l’eucharistie) afin d’en expliciter la signification théologique
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. Il a également rassemblé une série de scholies (notes explicatives) sur les homélies de Grégoire de Nazianze, Père de l’Église grecque, témoignant de son intérêt pour la tradition patristique grecque et de sa volonté de la transmettre en syriaque
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Homélies et poésie religieuse – Giwargis maîtrisait l’art oratoire et poétique. On lui attribue plusieurs homélies métriques en vers syriaques (dodécasyllabes) portant sur des thèmes spirituels variés
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. L’une, de longueur notable, célèbre la vie et les vertus de Sévère d’Antioche, grand docteur de l’Église orientale
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. D’autres poèmes traitent de la vie monastique, du dimanche des Rameaux ou des Quarante martyrs de Sébaste
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. Il composa également un cantique (sughitha) héptasyllabique sur le sacrifice d’Abraham, illustrant son aisance à manier la poésie au service de l’édification religieuse
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Correspondance érudite – L’un des apports les plus précieux de Giwargis réside dans les lettres qu’il a laissées. Onze de ses lettres sont conservées, couvrant environ 140 pages de manuscrits
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. Destinées à des moines, clercs ou supérieurs de monastères, ces lettres abordent des problèmes philosophiques, astronomiques, théologiques, liturgiques ou disciplinaires. Par exemple, l’une répond à des questions d’astronomie posées par un moine stylite, d’autres traitent de questions de logique, de divergences théologiques ou de pratiques liturgiques
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. Dans l’une d’elles, datée de 715, Giwargis discute des difficultés de traduction de passages de Grégoire de Nazianze et confesse ne connaître que le syriaque (contrairement à Jacques d’Édesse, hellénophone), raison pour laquelle il sollicitait l’aide d’Athanase de Balad pour le grec
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. Ces lettres révèlent un esprit critique et ouvert, prêt à examiner rationnellement les questions disputées – un trait intellectuel rare pour l’époque. À noter qu’il mentionne dans une lettre avoir rédigé une chronique historique (aujourd’hui perdue) couvrant vraisemblablement les événements de son temps, ce qui montre son intérêt pour l’histoire en plus de la théologie
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Impact et échanges culturels entre mondes syriaque, grec et arabe
Giwargis a joué un rôle charnière dans le brassage des traditions savantes syriaques, grecques et arabes au tournant du VIIIe siècle. Par son éducation au monastère de Kennesrin, centre réputé de la culture grecque en terre syriaque, il s’est imprégné de la philosophie antique et des sciences helléniques
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. De tels érudits syriaques bilingues ont servi de passeurs entre le savoir grec et le monde musulman. En effet, en traduisant et commentant les logiques d’Aristote en syriaque, Giwargis a préservé et transmis l’héritage grec à un milieu intellectuel syro-oriental qui sera plus tard en contact avec les savants arabes
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. Ses versions et commentaires syriaques de l’Organon ont vraisemblablement constitué une source indirecte pour les traductions arabes ultérieures des œuvres d’Aristote, favorisant ainsi l’essor de la philosophie et des sciences dans le monde islamique.
Par ailleurs, l’action de Giwargis se déroule sous le règne des califes omeyyades, époque où musulmans et chrétiens d’Orient coexistent et échangent des idées. Ses lettres reflètent ces échanges culturels : l’une d’elles répond à huit questions d’astronomie posées par un correspondant, témoignant de sa maîtrise des sciences astrales héritées des Grecs
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. Plus largement, l’ensemble de sa correspondance – qui touche à la philosophie, à la théologie rationnelle et aux controverses religieuses – constitue une source précieuse pour les débuts de la théologie islamique (kalâm) en gestation
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. Des théologiens musulmans ont pu y trouver un écho des débats métaphysiques et logiques provenant de la tradition syriaque. Ainsi, par son œuvre multiforme, Giwargis a favorisé un climat intellectuel propice au dialogue entre les savoirs syriaques chrétiens et la pensée arabo-musulmane naissante. Son héritage illustre l’importante contribution des savants syriaques dans la transmission du savoir grec vers le monde arabe, faisant de lui une figure-clé des échanges scientifiques et culturels au début du Moyen Âge oriental.
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🧠 Points importants
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Syriac Orthodox bishop active under the Umayyad Caliphate
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Educated at Qenneshrin, a major center of Greek learning in Syriac
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Translator and commentator of Aristotle’s Organon in Syriac
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Key intermediary between Greek philosophy and later Arabic translations
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Pastoral leader of Arab Christian tribes in Iraq
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Author of theological, liturgical, poetic, and scientific works
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Contributor to early cross-cultural intellectual exchanges in the Near East
🔎 Sources
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Wikipedia (fr) — Giwargis
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Wikipedia (en) — George, Bishop of the Arabs
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Syriac Studies Reference Library
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Ernest Renan, Histoire des langues sémitiques
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