Zénaïde et Philonille († Ier siècle) : cousines de saint Paul et premières médecins chrétiennes
Zénaïde et Philonille († Ier siècle) : cousines de saint Paul et premières médecins chrétiennes
Résumé
Saints Zenaida and Philonilla (1st century), cousins of Saint Paul, are venerated as the first female Christian physicians. Their legend tells of learned Jewish sisters from Tarsus who, after converting to Christianity, practiced free medicine in Thessaly, combining empirical science and faith. Although largely legendary, their story symbolizes the Christian transformation of medicine — from profit-driven practice to a charitable ministry serving both body and soul.
Introduction
Le christianisme des origines a profondément transformé la manière dont on concevait le soin, la souffrance et la guérison. À la frontière entre l’histoire et la légende se trouvent Zénaïde et Philonille, deux cousines de saint Paul, souvent présentées comme les premières femmes médecins chrétiennes. Leur nom apparaît dans les synaxaires grecs et dans les recueils byzantins dès le Xe siècle, mais leur mémoire plonge ses racines dans le récit apostolique de Tarse, ville natale de Paul.
Ces deux sœurs, savantes et compatissantes, auraient quitté la Cilicie pour la Thessalie, où elles exercèrent la médecine dans un esprit de charité gratuite, se démarquant ainsi des praticiens païens qui monnayaient leurs soins et s’adonnaient à la magie médicale. Elles sont honorées en Orient comme les premières "anargyres" – c’est-à-dire les « médecins sans argent » –, figures fondatrices d’une médecine chrétienne fondée sur la foi et la compassion.
Sources et transmission du culte
Les premières mentions liturgiques apparaissent dans le Ménologe de Basile II (Xe siècle), où elles figurent parmi les martyres Zénaïde et Philonille. Le Synaxaire de Constantinople et les Menologia ultérieurs développent leur biographie, en insistant sur leur double vocation : la prière et la guérison.
Dans la tradition orthodoxe, leur fête est célébrée le 11 octobre, et les hymnes byzantins les qualifient de « saintes médecins sans argent » et de « Amies de la paix ».
L’Occident les connaît plus discrètement : les Bollandistes les ont intégrées à l’Acta Sanctorum, et le calendrier anglican moderne (Église épiscopalienne) les commémore le 14 avril, aux côtés de sainte Hermione, autre disciple-médecin des Actes apocryphes.
Les sources principales sont donc liturgiques et hagiographiques, plus que documentaires. Aucun écrit de leur main n’a été conservé. Mais dès le haut Moyen Âge, leur légende devient un archétype du soin chrétien : gratuit, holistique et évangélique.
La légende de Zénaïde et Philonille
Nées à Tarse, les deux sœurs appartiennent, selon la tradition, à une famille juive aisée apparentée à saint Paul. Leur cousin Jason, disciple de l’Apôtre et premier évêque de Tarse, leur aurait transmis la foi chrétienne.
Éprises de science, elles étudient la philosophie et la médecine dans la grande école de leur ville. Elles conçoivent très tôt la guérison comme une œuvre de Dieu : « Guérir le corps, c’est préparer l’âme à la paix », dit la légende.
Guidées par l’exemple de Paul et par leur foi naissante, elles décident de mettre leur savoir au service des pauvres. Vers l’an 70, elles s’installent en Thessalie, près du mont Pélion, lieu célèbre pour ses sources thermales et ses sanctuaires d’Asclépios. Elles y fondent une clinique gratuite, adossée à une chapelle troglodyte, dans une grotte d’eau minérale. Cette union du temple et de l’hôpital symbolise la fusion entre la prière et la médecine.
Une médecine de charité
Les sœurs refusent tout paiement. Leur devise : « Nous avons reçu gratuitement, nous donnons gratuitement. »
Elles soignent les malades, nourrissent les affamés, écoutent les désespérés. Leur geste a une portée spirituelle : elles voient dans le soin un acte eucharistique, un prolongement du Christ médecin.
Philonille se distingue par sa rigueur scientifique : elle veut libérer la médecine des superstitions astrologiques et observer les effets réels des remèdes. On la décrit comme la première à pratiquer une forme d’expérimentation clinique, cherchant la vérité du soin plutôt que le prestige.
Zénaïde, plus contemplative, se tourne vers les enfants et les malades mentaux ; elle comprend que la paix intérieure est un élément essentiel de la guérison. Elle devient ainsi la patronne spirituelle de ceux qu’on appellerait aujourd’hui les psychiatres chrétiens.
La fin de leur vie
Selon certaines versions, les deux sœurs sont lapidées par des païens, devenant martyres de la foi ; d’autres affirment qu’elles meurent en paix, l’une après l’autre, entourées de leurs disciples.
Quoi qu’il en soit, leur mémoire se propage rapidement, et le peuple les invoque comme thaumaturges. Leur tombe n’a jamais été identifiée, mais leur culte s’est enraciné dans la liturgie grecque, accompagnée de l’épithète : « Amies de la Paix, reposez en paix. »
Foi, médecine et humanité
Leur légende illustre la synthèse chrétienne entre la médecine antique et la théologie du salut.
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La charité contre le profit 
 En refusant de monnayer leurs soins, Zénaïde et Philonille s’opposent au modèle lucratif des médecins païens. La guérison devient un acte de miséricorde, non de commerce. Leur geste inaugure l’idée de la médecine comme vocation spirituelle, que prolongeront plus tard les hôpitaux byzantins et médiévaux.
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La foi contre la superstition 
 Philonille veut séparer la vraie science de la magie ; Zénaïde unit la prière à la raison. Leur démarche préfigure la conviction patristique selon laquelle la foi éclaire la raison médicale. Comme dira plus tard saint Basile, « Dieu a donné la médecine comme un don à l’humanité. »
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Une vision holistique du soin 
 Le salut, pour elles, n’est pas seulement spirituel : il est aussi corporel et psychique. La paix du cœur, disent-elles, prévient la maladie. Leur surnom d’Amies de la paix traduit cette intuition : guérir, c’est réconcilier l’homme avec lui-même et avec Dieu.
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La place des femmes 
 Enfin, leur figure manifeste une révolution silencieuse : celle de la femme savante et sainte. En un temps où la science médicale était masculine, leur exemple légendaire montre que le génie féminin a eu sa part dans la naissance du soin chrétien. Elles annoncent, par leur audace, les Fabiola, Olympias et Hildegarde à venir.
Lecture critique et portée historique
Sur le plan historique, aucune source apostolique ne mentionne Zénaïde et Philonille. Saint Paul, pourtant prodigue en salutations, ne fait aucune allusion à de telles parentes.
Les premiers témoignages sûrs datent du haut Moyen Âge, bien après les faits supposés. Leur biographie porte les marques évidentes de la construction hagiographique : anachronismes médicaux (pédiatrie, psychiatrie), idéaux monastiques projetés sur l’époque apostolique, et absence d’attestation archéologique.
Cependant, comme beaucoup de figures légendaires, elles révèlent une vérité spirituelle plus que factuelle. Derrière leur fiction se profile l’émergence d’une médecine chrétienne fondée sur trois piliers :
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la gratuité du soin, 
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la foi en Dieu médecin, 
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la dignité universelle du malade. 
Leur mythe s’inscrit dans la même lignée que les saints Côme et Damien (IIIᵉ siècle) ou saint Luc l’Évangéliste, qui symbolisent la continuité entre science et grâce.
Dans une perspective moderne, elles représentent la première alliance entre médecine et théologie morale : refus de la marchandisation, valorisation de la compassion, et intuition d’une approche psychosomatique avant l’heure.
Conclusion
Zénaïde et Philonille ne sont sans doute pas des personnages historiques, mais leur mémoire incarne une vérité durable : celle d’une médecine réconciliée avec la foi, humble et miséricordieuse.
Elles ont ouvert symboliquement la voie à toute une lignée de médecins chrétiens, d’hommes et de femmes qui voient dans le soin une liturgie de l’amour.
Leur vie, qu’elle soit réelle ou imaginée, témoigne d’une révolution silencieuse : celle du cœur compatissant face à la souffrance, annonçant les hôpitaux, les ordres hospitaliers, et l’idée même de la médecine comme service de Dieu.
Points clefs (Key Points)
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Origine légendaire : Zénaïde et Philonille, cousines de saint Paul, sont nées à Tarse et auraient pratiqué la médecine gratuite en Thessalie. 
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Premières "anargyres" : elles refusent tout paiement et soignent pauvres et malades au nom du Christ. 
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Foi et science unies : leur médecine se veut à la fois rationnelle et spirituelle, libérée des superstitions. 
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Paix intérieure et guérison : leur surnom d’« Amies de la paix » exprime une théologie du soin intégral : corps, âme et esprit. 
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Héritage chrétien : bien que leur historicité soit douteuse, elles inspirent la tradition médicale chrétienne fondée sur la charité et la dignité humaine. 
 
 
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